Cet homme cheminait, le front bas, sur la plage, le long de l’océan. De temps en temps il se penchait, il ramassait au bord des vagues, sur le sable, on ne savait quoi et le jetait au loin dans l’eau.
Un promeneur qui l’observait vint à lui, il le salua, puis :
– Que faites-vous ? lui dit-il.
– Vous le voyez, répondit l’autre, je rends à l’océan des étoiles de mer. La marée les a amenées, elles sont restées là, sur le sable, et je dois les remettre à l’eau, sinon c’est sûr, elles vont mourir.
Le promeneur, surpris, lui dit :
– Des étoiles de mer, rien que sur cette plage, il y en a des milliers. Et le long des côtes du monde, combien de millions de ces bêtes, que vous ne pouvez pas sauver, s’échouent tous les jours sur le sable ? Mourir ainsi est leur destin, et vous n’y pouvez rien changer.
L’homme ramassa une étoile, la tint un instant dans la main.
– Oui, sans doute, murmura-t-il.
Et la rejetant dans les vagues :
– Mais pour elle, ça change tout.
Extrait du livre de Henri Gougaud « L’ »
Ce livre n’est pas fait pour être lu mais pour être fréquenté comme un ami proche, secret. Vous pouvez lui demander de vous nourrir, il vous nourrira, de vous éclairer, il vous éclairera, de jouer, il jouera avec vous le jeu le plus mystérieux du monde, celui du hasard qui n’existe pas.
Ouvrez-le, simplement, par curiosité. Quelqu’un est là qui vous parle. Il ne vous dit pas seulement quelque chose de plus ou moins intéressant, non. Il répond à une question que vous n’avez même pas formulée à voix haute. Il y répond à sa manière, qui peut être déconcertante. Mais ne grimacez pas. Ce qui vous est dit là s’avère toujours étrangement sensé.
Car les contes sont des vieillards immémoriaux et bienveillants. Ils savent tout de la musique du cœur du monde. Allez les voir. Ils répondent toujours à nos questions pour peu qu’ils soient interrogés avec cette lumière simple dont ils sont eux-mêmes pétris, et que l’on appelle l’innocence.
Henri Gougaud